Voyage d’affaires

cou, tout frêle et tout rond, là où ses cheveux attachés faisaient une pointe. Ça chatouillait la vallée de ses omoplates, juste pour qu’elle frémisse un peu plus, puis cela prenait son élan dans le creux de son dos pour mieux s’évanouir dans son sacré. Si Céline avait eut une queue, le frisson aurait continué sa route pour la faire onduler, telle un petit chiot, content sans trop savoir pourquoi.

Céline Lagrange était heureuse, et le fait que ce ne soit dû à rien du tout en particulier l’emplissait de bonheur un peu plus. Il y avait des moments où une étoile respirait en elle, des journées où le moindre mouvement, où un simple battement de ses cils suffisait à lui faire ressentir l’émerveillement de la vie qui soufflait en son corps. Tout était parfois si beau, si pur et si simple, tout était si important, en fin de compte.
Sa main droite se posa sur son épaule gauche, et Céline frémit. Ses paupières toujours closes, elle hocha doucement la tête de droite et de gauche. Des petits lapins volants en couleurs pastelles s’amusaient à lui chatouiller le cou de leur duvet, l’obligeant à tracer de délicates parenthèses aux coins de sa bouche. Le nœud qu’elle avait fait de sa chevelure céda au mouvement langoureux, et le contact de ses longs cheveux noirs et mouillés sur la base de son cou la fit frémir de délice.
Céline ouvrit les paupières, découpant de fines lamelles d’air avec ses cils. Comme ils commençaient à sécher, des boucles se formaient dans ses cheveux. Du bout des doigts, elle crût attraper un peignoir mais c’était en fait un pantalon bouffant qu’elle n’avait jamais porté, un long pantalon de satin, orange et crêpée, qu’une amie lui avait ramené de Ghardaïa. Elle y enfila ses jambes en riant de sa propre frivolité.

Le sarouel marquait la finesse de sa taille en exagérant les courbes de ses hanches, et comme il couvrait jusqu’à ses pieds, on eût dit que l’étoffe subtilement froissée s’ancrait dans le sol à chaque pas.
Céline s’enduisit le corps d’un voile pour la peau, c’était un gel hydratant à bases d’huile de karité, qui contenait des extraits de boue noire de la Mer Morte et des polyphénols de thé vert, mais dont l’odeur trahissait une infime présence de menthe poivrée et peut être aussi de fleurs d’oranger que l’on aurait dulcifiées. Céline s’examina les sourcils de très près dans le miroir. La crème sécha pendant ce temps, et son corps s’en trouva enduit de particules de caresse. Alors d’un pas léger, vêtue de son seul pantalon, chatouillant l’air de sa peau, elle alla devant le grand miroir du séjour pour s’admirer, curieuse de savoir si son bonheur intérieur s’exprimait un peu à l’extérieur. Le contact tout chaud de ses pieds doux sur la moquette lui donnait envie de rire, mais non, on ne voyait rien qu’une très subtile odeur de cannelle. Bien sûr, Céline gardait ses bras croisés sur ses seins, afin de ne pas offrir à son miroir une image d’elle qui fut trop osée. Mais à ce moment précis, la radio décida de jouer Come together, et ce n’était pas sa faute après tout. Ses bras s’écartèrent tout grands, et le miroir en ferma les yeux. Ses hanches se mirent à onduler, d’abord imperceptiblement. Les petites épaules pointues ne purent s’empêcher de marquer le rythme, tout discrètement au début. Les sourcils adoptèrent une expression grave et sérieuse, pour répondre à la très subtile fossette qui venait de se dessiner au coin de ses lèvres, puis telle un serpent, impuissante qu’elle était face à son

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