douanes sans encombre. Sa couleur de peau,
seule, pourrait jouer en sa défaveur.
« Au pire, je pourrai toujours tuer
le douanier », se dit Guillaume Mawloud en démarrant la voiture,
un sourire triste au coin de la bouche.
2.
Céline Lagrange buvait son café à la hâte
ce matin là. Elle détestait arriver en retard au bureau, et même
si elle savait qu’au vu de ses horaires habituels on ne lui reprocherait
jamais une arrivée tardive, cela l’énervait.
Céline sortait de sa douche, et venait
d’enfiler ses vêtements. Elle posa la tasse de café chaud sur la
petite table à roulette du salon, et fila dans la salle de bain
pour ajuster son maquillage.
À vingt huit ans, Céline aimait bien sa vie.
Tout y allait vite, et elle en savourait chaque seconde. Elle apprenait
de ses peines comme de ses joies, et après avoir beaucoup pleuré
et beaucoup ri, elle avait fini par comprendre que c’était cela
qu’on appelait la vie. Bien sûr, elle aurait volontiers changé quelques
détails si le pouvoir lui en avait été donné, mais à tout prendre,
Cendrillon appartenait à une autre époque. Et puisque la vie de
Céline ressemblait à celles des jeunes femmes que l’on pouvait voir
dans les séries américaines, elle était certainement rien moins
qu’une Cendrillon moderne, assez réussie dans son genre.
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Céline revint dans le salon, et le petit
orteil de son petit pied droit, enveloppé dans un mi-bas de soie
noire, heurta violemment la base de la table. Les roulettes firent
leur office, la table avança, la tasse recula, et le café se répandit
sur la moquette, sans épargner au passage le bas du pantalon que
Céline avait soigneusement repassé la veille au soir, juste avant
de se coucher.
3.
Roger Zeedijk était un peu content. À cinquante
ans, il commençait à revoir sa vie avec amertume. Enfant, il se
tournait vers les autres ; sa vocation serait de les aider,
c’était sûr. Adulte, il avait surtout servi ses propres intérêts,
et maintenant, il s’éveillait le matin avec un sale goût dans la
bouche.
Roger était toujours tourné vers les autres.
Il aidait ceux qu’il pouvait aider, à petite, à toute petite échelle,
il venait au secours de ceux qui n’avaient pas eu, comme lui, la
chance de naître avec une cuillère en argent dans la bouche.
Mais à bien y réfléchir, Roger n’avait pas
fait grand chose de sa vie. Son père, oui. Mais lui, non. Chef d’un
petit service dans une grande société internationale à cinquante
ans, il n’avait en fin de compte jamais beaucoup progressé. Et par
dessus tout, son emploi l’emmerdait. Les journées au bureau se ressemblaient
toutes, et aucun de ses espoirs de gamin n’avait été concrétisé.
Les autres, il ne les avait jamais aidés
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