Cette petite conne de Céline n’a pas réservé
mon siège, conclut Arland.
-
C’est quel type d’avion ? répondit-il. A320 ? 321 ?
Arland n’était pas n’importe quel passager,
et il voulait qu’elle le sache.
-
Un A320, dit-elle.
-
Siège 1A ou 2F, alors, s’il vous plaît, répondit-il avec
toute la nonchalance qu’il pouvait trouver en lui.
Des trous du cul dans le genre de celui-là,
Julie Meyer en recevait à longueur de journée.
« Je vois », fit-elle en
lui lançant un sourire complice, du genre « Les avions, monsieur
connaît, je vois », et en pensant « pauvre type ».
Julie avait du métier. C’est pour ça
qu’elle était souvent de service au comptoir trous du cul. Elle
savait que son rôle était de plaire aux clients, et les trouducs,
pour peu que l’on sût garder son sang froid, étaient finalement
les plus faciles à satisfaire.
Elle ne pipa plus mot, tapant rapidement
sur son clavier.
« 3F » dit-elle en lui tendant
le billet, son sourire le plus professionnel aux lèvres. En un regard,
elle savait dire aux trous du cul « je vois que Monsieur est
un de nos plus fidèles clients, et qu’il connaît la chanson. J’ai
fait tout mon possible pour mettre
Monsieur sur l’avant de l’appareil, et maintenant,
|
|
 |
si je peux conserver le siège 3D, je m’arrangerai
pour que Monseigneur ait non pas une, mais deux places
vides à côté de son honorable séant, afin que son voyage soit des
plus confortables et qu’il quitte l’appareil sitôt atterri ».
Arland était ravi. La vieille avait assurément
consulté son fichier, et découvert qu’avec cent mille kilomètres
dans les nuages chaque mois, il n’était pas un client comme les
autres.
La vérité était que le jeune directeur,
aussi rompu fut-il à tous les mécanismes de négociations, ne pouvait
rien contre un tel professionnalisme.
Il lui adressa son meilleur sourire, et là,
ce fut elle qui tomba un instant sous le charme.
8.
Shinamajapakrishnan Vinadapayan avait mal
au ventre, c’était terrible. Il lui avait encore fallu deux heures
pour trouver le sommeil, la nuit précédente – lui à qui il suffisait
généralement de fermer les yeux pour s’endormir. Plus rien ne passait,
juste des liquides, et encore. Elle ne quittait plus ses pensées.
Ce mal de ventre même donnait mal au ventre
à Shina. Ce n’était pas rationnel. Il avait un très bon métier,
un appartement merveilleux dans un grand pays riche, et il était
en bonne santé. Enfin, au moins jusqu’à ce qu’il comprit que non,
elle ne l’aimait pas.
Il avait tout, absolument tout pour être heureux, et pourtant,
|
|