Voyage d’affaires

réunion pour un dossier sans intérêt.

Arland prit grand soin de ne répondre en personne à aucun de ces messages, afin de ne laisser aucune illusion à ses interlocuteurs. Son assistante n’était pas encore arrivée, alors, il se brancha sur sa boîte vocale, et commença à commenter les courriers un par un, lui donnant des indications sur ce qu’il souhaitait la voir répondre. Même si Céline connaissait bien mieux que lui chacun des dossiers en attente, Arland considéra qu’il serait de bon ton de lui montrer que lui était au bureau à neuf heures d’une part, et qu’il avait, lui aussi, une certaine connaissance des affaires en cours.

Lorsqu’il parvint au courrier des Pays-Bas, Arland marqua une pause. Son idée première était de suggérer à Roger de faire comme il l’entendait, sans lui demander son aval, et peut être même d’ajouter au passage qu’il était très satisfait du travail de ce Zeedijk, afin qu’on sût que le grand Directeur Arland était au fait du travail de ses troupes, mais les lèvres expertes de Rebecca lui revinrent à l’esprit et de nouveau, il hésita.

- …et pour la Hollande, enregistra-t-il… nous verrons.

Arland avait fêté ses trente ans cette année là. Sa carrière professionnelle avait été une réussite de bout en bout, et dans le grand organigramme du gigantesque empire, il était juste deux crans en dessous du PDG.
Il avait développé au fil du temps une technique imparable pour la prise de décisions rapides. Sûr de ses capacités à

tirer son épingle du jeu de n’importe quelle situation, et plus particulièrement maintenant qu’il était presque tout en haut, il s’en remettait au hasard pour répondre aux grandes questions fermées. Il jouait à pile ou face avec les choses de la vie. Cela lui permettait de mettre ses talents à l’épreuve.

- Quant à l’extension du budget pour Hong Kong, poursuivit-il…

Il se sentait en manque d’imagination pour le pile ou face ce matin là. Si aujourd’hui est un jour… disons, impair… vous pouvez vous brosser pour votre budget, pensa Arland.
Il chercha un calendrier dans son bureau, puis se souvint du téléphone, qui indiquait la date du jour. C’était le 30, et il en fût déçu, parce que pour lui, on aurait dû être le 27.

- …dis-leur que c’est ok, trancha-t-il. Mais j’attends des résultats sous… trente jours.

Céline l’appela à dix heures.

- Bonjour Patrick, dit-elle. J’ai bien eu ton message, et je suis en train de taper la réponse pour Hong Kong.

Céline le tutoyait. Tout le monde se disait tu dans la boîte, et ce n’était pas au goût d’Arland. Il eut préféré se faire vouvoyer, en particulier pas sa secrétaire. La vieille école avait du bon, pensait-il, le patron tutoie la secrétaire, et elle lui sert en retour des vous révérencieux.

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