certainement pas là pour tailler le bout
de gras avec une petite pétasse de bas étage. On la payait pour
remuer son cul dans un uniforme vert et rouge derrière un comptoir
d’aéroport, point.
« Je m’en fous », répondit-il calmement,
mais avec une voix qui marquait l’impatience.
Elle leva la tête aussi soudainement
que si on lui avait dit la même chose dans sa langue maternelle,
au grand plaisir d’Arland.
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Monsieur, dit-elle en le regardant impertinemment dans les
yeux, votre impatience ne justifie aucunement que vous vous
adressiez à moi sur ce ton. Je vous demande de vous calmer, et je
vais faire en sorte de vous donner votre voiture le plus vite possible.
Elle avait un peu grimacé pour prononcer
le « adressiez », mais à part ça, son Français était aussi
parfait que dans les livres. Elle tapait maintenant sur le clavier
de son ordinateur avec une expression des plus troublées. De toute
évidence, son propre discours l’avait décontenancée. Arland, lui,
n’avait pas perdu sa prestance plus d’une demi-seconde. S’ils étaient
tous deux des professionnels en action, des kilomètres d’organigramme
les séparaient en termes de communication, de bagout, et de responsabilité.
Il était en outre le client, et elle lui devait le respect.
Un sourire aux lèvres, il se mit à la dévisager
de plus belle, dénudant son esprit du regard, pour voir s’il pouvait
la faire
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craquer complètement juste avec la force
de son assurance. Peut-être il devrait s’offrir une hollandaise
pour assistante. Beau cul et le don des langues, ce serait toujours
mieux que l’autre godiche.
Leila ne craquait pas. Mais elle faisait
tout son possible pour cacher le fait que son manque de sang froid
lui faisait commettre erreurs après erreur, et s’il y avait une
personne au monde à qui elle ne pouvait dissimuler ce genre de signes,
c’était bien à ce grand type sans cravate qui la toisait d’un air
amusé.
Arland n’était plus pressé. Il s’amusait,
effectivement. Il reconstituait l’arbre dans sa tête, sans perdre
une miette de ce qui pour lui était un réel spectacle :
« Cette nunuche se dit qu’elle
doit un certain respect aux clients malgré tout. La vérité
est qu’on lui a enseigné cette règle – elle ne vient pas d’elle,
et elle n’a pas le choix. Si… si le dernier chiffre de la plaque
d’immatriculation, sur le porte-clés qu’elle va me donner, est…
disons, impair, je lui dis d’appeler son manager. J’explique qu’elle
m’a chié dans les bottes, et que je fais annuler leur contrat avec
ma société. Si le manager n’est pas trop con, il fera alors semblant
de l’engueuler devant moi. Tous deux se diront que c’est moi le
con, mais la réalité est que je m’offrirai juste une petite séance
d’humiliation publique, gratuitement, parce que j’en ai le pouvoir.
Si le manager prend son parti… alors je parie qu’à mon prochain
passage ici, la blonde n’y sera plus. Allez, impaire, donnes-moi
une plaque impaire… »
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