Il avait lu un livre dans sa vie, un
seul, alors qu’il était adolescent. Le Seigneur des Anneaux. Et
bien qu’il manquât de références pour en juger, il savait au fond
de lui qu’il était inutile de tenter d’autres livres : s’il
avait lu celui-là, c’était certainement qu’il en valait la peine
– les autres le décevraient immanquablement, pour sûr.
Guillaume jugeait les religions responsables
de bien des maux. Alors, il jurait par Sauron.
La deuxième fois qu’il avait appelé Sauron,
c’était quelques jours seulement après s’être juré de ne plus être
un minable. « Par Sauron, avait-il dit, je vais te tuer. »
Trois ans de prison lui permirent de
comprendre que son jugement sur le caractère unique du Seigneur
des Anneaux avait été une erreur. Il lut, beaucoup, il se sevra
de ses démons, et décida de devenir maître de son futur. Cela, il
se le promit. Et par religion, il invoqua Sauron à témoin.
Le sport l’aida à s’improviser une paix intérieure.
Il commença sa réinsertion par des petits boulots, d’abord, puis
décida de suivre des cours du soir. Plus jamais il n’invoqua Sauron
– ce nom lui rappelait trop douloureusement la sensation des vertèbres
de son dealer, qui craquaient sous ses mains alors que lentement,
il le tuait.
- Par Sauron, dit Guillaume ce jour là, j’y
vais, et je la ramène.
Son épouse le considéra. Son joli visage
était teinté
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