Voyage d’affaires

La réunion avait commencé depuis cinq minutes environ, et Arland avait tiré ses premières conclusions : le gros Zeedijk avait manifestement potassé et sérieusement répété son discours au préalable, comme si sa vie en dépendait. Il tournait autour du pot, mais apparemment, le Hollandais tentait ni plus ni moins de faire financer une entreprise de charité par la société. Certainement qu’à son âge, on n’acceptait pas d’approcher la retraite en ayant un zéro au bilan des bonnes actions.
Le projet lui-même tenait la route, puisque sans rapporter un copeck à l’entreprise, il ne coûterait rien en soit. Les dépenses seraient amorties par une réduction fiscale globale, et le bénéfice serait l’amitié éternelle d’un sous-fifre du gouvernement.
Le gros racontait tout ça à l’envers, et comme sa présentation était plutôt bien ficelée, il était difficile de se faire une idée aussi tôt. Mais sûr que l’œuvre de bienfaisance allait bientôt faire son entrée dans le discours.
Deux choses turlupinaient Arland : combien d’heures facturées à la société le gros avait-il consacré à ce dossier inutile, et surtout, combien de temps allait-il falloir à ses autres collaborateurs assis là pour comprendre le manège – aucun ne semblait tiquer et cela en devenait inquiétant.

Le projet, en soi, Arland s’en foutait bien. Après une demi-heure de palabres diaboliquement bien tournés, tous les soupçons envers le gros se révélèrent fondés. Et une heure plus tard la nullité des collaborateurs, qui n’avaient manifestement rien su flairer de l’embrouille, fut avérée.

Il était temps pour Arland d’annoncer sa décision. Les Cognacs de l’avant-veille lui barbouillaient encore l’estomac, et la canette verte devant le vieux Reinahrt lui fit envie. José aussi buvait un Perrier. Il y avait une petite pyramide de boîtes en fer au milieu de la table, mais plus de Perrier en vue.

- Quelle est votre décision quant à ce projet, M. Arland ? Donnez-vous votre accord ?

Arland avala sa salive, puis les considéra tous un par un.

- Est-ce qu’il reste une canette de Perrier, de votre côté de la pyramide ? demanda-t-il pour préparer sa réponse.

16.

Il faisait chaud dans la salle de toilette, une senteur d’amande douce pimentée de vanille broyée émanait de la baignoire et l’air était plus soyeux qu’une caresse de bébé sur la peau de Céline, qui se sentait couverte d’un voile de douceur. Le bain l’avait revigorée, son corps était lascif et doux comme un petit chat au-dedans, vif et élancé comme une gazelle au dehors, et son esprit n’était plus que câlins, joie et insouciance.
Nue au milieu de la salle de bain, une épaisse serviette parfumée de lavande mauve pour protéger ses pieds tout chauds de la froideur du dallage, face au miroir embué, la jeune femme ferma les yeux et détendit ses petites épaules. La vie en elle lui fit un frisson. Cela partait de la base de son

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