Tous
les grands divertissements sont dangereux pour la vie chrétienne;
mais entre tous ceux que le monde a inventés, il n'y en
a point qui soit plus à craindre que la comédie.
C'est une représentation si naturelle et si délicate
des passions, qu'elle les émeut et les fait naître
dans notre coeur, et surtout celle de l'amour; principalement
lorsqu'on le représente fort chaste et fort honnête.
Car plus il paraît innocent aux âmes innocentes, plus
elles sont capables d'en être touchées; sa violence
plaît à notre amour-propre, qui forme aussitôt
un désir de causer les mêmes effets, que l'on voit
si bien représentés; et l'on se fait en même
temps une conscience fondée sur l'honnêteté
des sentiments qu'on y voit, qui ôtent la crainte des âmes
pures, qui s'imaginent que ce n'est pas blesser la pureté,
d'aimer d'un amour qui leur semble si sage. Ainsi l'on s'en va
de la comédie le coeur si rempli de toutes les beautés
et de toutes les douceurs de l'amour, et l'âme et l'esprit
si persuadés de son innocence, qu'on est tout préparé
à recevoir ses premières impressions, ou plutôt
à chercher l'occasion de les faire naître dans le
coeur de quelqu'un, pour recevoir les mêmes plaisirs et
les mêmes sacrifices que l'on a vus si bien dépeints
dans la comédie.
Pascal,
l'autre.
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