Page précédentePage suivanteRetour à la page d'accueilPersonne m'écrit jamais...


Brymon Embraer G-ERJC, Bristol, le 16.11.2001

En revenant de Bristol ce matin, comme à l'aller, j'ai embarqué dans ce qu'au premier abord on appellerait « un petit coucou ».
À Roissy, la veille, l'hôtesse m'avait machinalement demandé mes préférences pour le siège. Et moi, dans un réflexe digne de ce salaud d'Arland, je lui avais répondu par une autre question :

– C'est quoi comme avion ? Un Fokker peut-être ?
– Oh, c'est... c'est un petit avion, elle avait alors répondu.
– Et bien... plutôt vers l'avant de l'appareil... hublot
– Euh... elle avait fait. C'est vraiment un tout petit avion. Il y a une, puis deux rangées. Alors, je vous place sur la rangée isolée, comme ça, vous aurez une place à la fois hublot, et allée.

Le ventre du coucou culminant à un mètre du tarmac, on y embarque en grimpant les quatre marches de la porte retournée.
J'aime bien les petits avions, parce que le décollage est toujours un moment impressionnant. On ne se sent même pas décoller, dans la classe affaire d'un Boeing 747. Dans l'Embraer 145, on est collé au siège dès que le pilote met les gaz.

Le ciel était tout bleu, on a traversé l'unique couche de nuages, invisible du sol, après une minute, et l'instant d'après nous avions atteint notre altitude de croisière, si basse qu'avec ce ciel dégagé j'ai pu voir les routes, les côtes de la Manche, les forêts et les maisons, comme si j'étais moi-même un oiseau en voyage touristique.

Les premiers nuages, blancs et denses, sont apparus à l'approche de Bristol – très loin sous l'appareil. Collé à mon hublot comme un gosse, j'ai alors remarqué ce détail surprenant: un panneau de basket émergeait de ce bloc de nuages. Puis plus loin, le toit d'une petite maison. Et là, les quatre colonnes d'un minuscule pont suspendu.
Les nuages étaient en réalité posés sur le petit village britannique, et comptaient à peine trois mètres de haut, épais comme de la ouate, et sur le dessus, lisses comme de la crème, blanchis par la vivacité du soleil matinal.

Tout le village était pris sous cet épais brouillard, fermement posé sur le sol, et par endroit, je pouvais deviner l'obscurité sous laquelle étaient plongés les habitants. Il était onze heures du matin, et nul être au sol n'aurait pu imaginer que pour enfin apercevoir le soleil, il aurait suffit de s'accrocher à l'anneau de ce poteau de basket pour hisser la tête au-dessus de cette chape de coton et partager le spectacle irréel qui s'offrait à mes yeux.

Au Sud, la nappe nuageuse si plate laissait échapper une colonne de fumée épaisse, comme une sculpture faite de crème Chantilly en apesanteur, comme si les nuages étaient retenus pas un toit invisible dans lequel on aurait percé un trou. Et par ce trou, en un mouvement imperceptible, le coton trop épais tentait de regagner le ciel. Cette colonne, haute et immobile, projetait sur l'épaisse couverture blanche du village une ombre noire et droite qui barrait tout un quartier d'habitation et le plongeait certainement, au-dessous, dans une obscurité totale.
Tout autour, il faisait beau et le spectacle de la campagne anglaise était magnifique. Nous nous sommes posés sur le minuscule aéroport international de Bristol, et c'est en approchant la piste que j'ai réalisé la vitesse disproportionnée à laquelle volait cet avion.

Brymon Embraer G-ERJF ©Chris Sheldon - 2000

Les avions m'ont toujours troué le cul. Je n'y connais rien, et je ne suis pas sûr de comprendre comment un engin de cette taille peut quitter les sol et voler avec une telle fiabilité. J'ai beau utiliser l'avion plus souvent que ma voiture ces jours-ci, je suis toujours comme un gosse lorsque je contemple le spectacle des aéroports en action. Tout cela me fascine. Alors, pour une fois, j'ai procédé à quelques recherches – qui m'ont rappelé que la puissance du Web est, elle aussi, tout à fait fascinante :

Mon Paris - Bristol était affrété par British Airways, le fréteur étant une compagnie aérienne nommée Brymon Airways. Embraer est une société brésilienne fondée alors que j'avais déjà trois ans, qui est devenue le quatrième fabricant mondial d'avions de lignes - Embraer signifiant Empresa Brasileira de Aeronáutica S.A.

Alors que j'écris ces lignes, Brymon possède 7 Embraer 145, immatriculés G-ERJA à G-ERJG – vous voyez le F ci-dessus, trouvé sur le Web, et j'ai photographié le C, en haut de cette page. Celui que j'ai pris au retour de Bristol est ci-dessous, mais je n'en connais pas la lettre.

Ces sept avions sont tout neufs; ils ont été achetés en 2000 par Brymon, sur un contrat d'option pour l'achat de 21 appareils de type 145 à Embraer, et ce que mon hôtesse qualifiait de « tout petit appareil » coûte tout de même la bagatelle de 100 millions de Francs l'unité.

L'embraer 145 pèse 6 tonnes à vide, 21 tonnes en charge maximum. Il vole à 833 Km/h, avec une autonomie de 2800 Km, mesure 30 mètres de long sur 20 de large, ses deux réacteurs sont fabriqués par Rolls Royce, son altitude de croisière est fixée à 10 000 mètres, et il peut embarquer 50 passagers, deux pilotes, et deux hôtesses à son bord.

C'est quand même dingue, tout ce qu'on peut trouver sur le Web...

Allez, un lien marrant: Aviation Safety – on y trouve une base de données impressionnante sur les fréquences des catastrophes aériennes par type d'avion, ainsi que des trucs de bon goût, comme par exemple des extraits d'enregistrements sur boîtes noires, ou les dernières paroles des pilotes avant impact, ainsi que les commentaires avisés des tours de contrôle dans ces moments-là (« uh, ok, very good »).


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