GRANDS
PIEDS, TREILLIS ET SURGELÉS
LES
NOUVEAUX
DROIX DES FEMMES
Qu’est-ce
que l'éternel féminin ? On ne va pas l'expliquer aux hommes. Ils
savent. Au poil près. Sauf que, souvent, ils se trompent et que les stéréotypes
ont la vie dure. Petite mise au point 2002.
Les Grands
combats, c'est important, on est d'accord. Travailler, conduire, voter,
contracepter, avoir un avis sur le monde, avec tout ça aujourd'hui,
on n 'a pas de souci et encore moins de tchadri. Soyons honnêtes, ils
ont évolué nos gars. Même Jean-Pascal a pigé depuis longtemps qu'il
n était pas question de nous
coller devant le micro-ondes avec un enfant sur chaque hanche et un
couvre-feu au niveau des résilles. Mais il reste les détails, les opinions
toutes faites, les idées reçues. Pour les hommes, même les plus évolués,
il y a toute une liste de principes figés dans leur imaginaire. Le genre
de sentence molle qui clôt un débat : « Une femme, ça ne fait pas
ça. » Pour leur prouver le contraire sans trop bouleverser leurs
petits repères, on bataille en sous-marin. C'est pas qu'on veuille
se situer forcément a l'opposé
de leurs désirs. C'est juste qu'on a l'esprit de contradiction. Et qu'on
aime avoir le choix aussi. Face aux derniers bastions de l'imagerie
virile, la lutte continue.
Revendiquons :
LE
DROIT AUX CHEVEUX COURTS
Le mythe. Une femme, ça a les cheveux longs. Imagerie hautement sensuelle
du plumeau magique pour le chasseur qui sommeille sous son Paul Smith.
Quand tout lui échappe, il visualise bien le truc auquel se rattraper
pour vous traîner dans sa grotte.
La réalité. L'homme a peur des ciseaux,
comme le chat de sa queue, c'est constitutionnel. Mais la nuque est
un grand réceptacle de frissons. Le gars peut se détendre définitivement
: la femme, en s'allégeant en crinière, ne perd pas en force, Comme
Samson. Elle est juste différente, voire mieux. Comme Jeanne Moreau.
LE
DROIT AUX GRANDS PIEDS
Le mythe. Une femme, ça a de petits petons.
Rapport a Cendrillon, une foutue
pantoufle en 36, et encore, c'était du vair. Que vous puissiez avoir
quelque chose de plus grand que leur main, ça les met en vrille. Ils
contrôlent plus.
La réalité.
D'une: fi du dicton idiot qui gnangnante que « Tout ce qui
est petit est mignon ». Il veut un dessin en perspective pour illustrer
le propos ? Avec un exemple, au hasard ? Non ? Bien.
De deux: qui c'est qui chausse du 42 ? L'amie mannequin. Qui c'est
qui trouve l'amie mannequin vachement belle (mais trop maigre) ?
L'ami fiancé hypocrite.
LE DROIT
AUX POILS
Le mythe.
Une
femme, c'est imberbe comme un oeuf de tourterelle. Le poil est un des
symboles de la virilité. Il folâtre joyeusement et sans entraves sur
un corps de garçon, mais doit être éliminé sans pitié sur celui d'une
fille. La fille doit être douce et sans surprise, même quand elle fait
coucou avec le bras en débardeur.
La réalité.
Il l'a vu notre côté sauvage ? Xéna la Guerrière ne s'embarrasse
pas de micro-soucis de ce genre. Est-ce que les Amazones avaient vraiment
le temps de se faire une pause cire chaude ? Et, pourtant, elles
étaient over sexy. Voyons le poil sous un autre angle, en partant du
bulbe par exemple. Le poil est un ami, le poil est le signe d'un psychisme
de fille, en accord avec les cinq éléments Et débordée aussi.
LE DROIT
A LA GROSSIERETE
Le mythe.
Une femme ne dit pas de gros mots. Même si elle en pense des tas.
Les injures grasses et métaphoriques salissent la petite bouche pure
de la femme, dont il ne sort que des pétales de rose. Quand elle est
au comble de l'exaspération, la femme dit: « Hou,
tu es vilain ! ».
La réalité.
Pas de panique, quand on susurre: « Ça me f’rait mal aux couilles
! », on ne pense pas faire une révélation d'ordre clinique. Si
on s'essuie au revers de notre saharienne couture, c'est aussi pour
le délice du contraste. Et notez qu'on n'est jamais vulgaires, on est
trop bien habillées pour ça. Non, nous sommes juste spontanées. Même
Amélie Poulain, quand elle est salement en rogne, ça chie dans le ventilo.
LE DROIT
AU TREILLIS
Le mythe.
Une femme est en jupe. Car, même si elle ne peut ni s'asseoir, ni
courir, ni monter à l'échelle, ni se vautrer sur un canapé, ni méditer
en tailleur, on voit ses jambes. Ce qui tendrait à prouver que la femme
est en jambes. Peu importe la jupe.
La réalité.
Ce n'est pas parce que Jean Claude Van Damme le porte cintré et
uniquement pour faire le grand écart sur
des rails qu'il faut mettre le treillis dans
la colonne « vêtement ridicule ». Le principe du treillis
est simple et beau. Cousin du baggy, pote avec le jean large, très loin
du jogging des années 80, il est follement désirable. Certes, il cache
les gambettes, mais il dévoile ventre, nombril et, si on a de la chance,
ficelle dorée de string hype... Pour un pantalon dit de camouflage!
Et ce n'est pas forcément celle qui le porte qui rampe.
LE DROIT
A LA DRAGUE
Le
mythe. Une femme ne drague pas. Sous-entendu, elle se laisse draguer.
Elle fait la gazelle qui boit au point d'eau et, lui, le lion lourdaud
qui se dandine. Entre nous, soit il la bouffe, soit il la rate.
La
réalité. Une gazelle émancipée qui sait ce qu'elle veut, plutôt
qu'une gazelle effarouchée qui prend ce qu'elle a, ça peut pas nuire.
Car, si c'est nous qui choisissons, nous n'irons pas nous plaindre après.
Attendre et se laisser faire, c'est très nouveau pour des grands mâles
chasseurs. Renversement des rôles, vous glandez, on bosse. Jusque-là,
on n’a pas trop de mal à le faire accepter. C'est juste quand on invoque
la notion de jeu, de rire, voire d'ironie que tout le monde proteste.
LE DROIT
AU PETIT BATEAU
Le mythe.
Une femme porte des bas et de la lingerie affriolante. Esprit « Fort
Boyard », il faut minimum sept clés pour accéder au trésor. Il
s'agit de préparer les épreuves. De la dentelle, du porte-jarretelles,
des élastiques, des balconnets, des combinaisons gagnantes. Ce qui est
bien dans le harnachement, c'est quand on l'enlève. Et, pour une fois,
les deux sont finalement d'accord.
La réalité.
Il est passé le bon temps où on jouait deux heures sous le sapin
avec la boîte du camion de pompiers. Non, garçon ? Le vrai cadeau,
le présent de la vie, la source de la joie, c'est notre cœur qui bat,
juste sous la brassière tout coton toute unie, non, garçon ? Même
qu'avec sa culotte coordonnée et le joli collant opaque qui s'intègre
au décor, on peut tout faire. Déjà, on peut marcher et, ça, niveau séduction,
c'est un bon début.
LE
DROIT AUX SURGELES
Le mythe.
Une femme, ça sait cuisiner. C'est inné, c'est trop dingue, c'est
comme ça. Les filles naissent avec la recette du lapin aux douze châtaignes
dans le disque dur, mais les petits gars, c'est bien connu, ils doivent
tout apprendre. Alors, quand ils pondent un guacamole en deux heures,
lessivage des murs compris, faut une médaille.
La réalité.
Un œuf au plat. C'est sublime aussi. C'est simple, c'est blanc,
c'est jaune, c'est fait maison. Ne passons pas trop à côté des choses
simples qu'on dit. Nous aussi, on a envie de partager vos désirs culinaires:
vous téléphonez, on réceptionne la pizza. Et personne ne fait de vaisselle,
puisqu'on jette la grande assiette du partage en carton.
LE DROIT
AU FOOT
Le mythe.
Une femme, ça regarde pas le foot. Parce que ça glousse quand Emmanuel
Petit défait sa queue-de-cheval, parce que ça pleure quand Lizarazu
tombe dans la boue, parce que ça sait pas épeler « corner », parce que
ça demande depuis quatre ans « Où qu'il est Aimé Jacquet ? »
La réalité.
Option communication, partage de passions, grand pas vers un sport,
esprit supporter, on est toutes des Adriana Karembeu. D'accord, il faut
nous expliquer les règles, mais on a le temps entre les moments où il
marque, il se passe rien, ils courent tous partout en cherchant la baballe.
Puis option futur partagé, imaginons deux mois scotchés tous les deux
devant la Coupe du monde 2002. En plus, on connaît déjà toutes les chansons,
alors...
LE DROIT
A L'ALCOOL
Le mythe.
Une femme, ça ne boit pas. Parce que, après, on se demande bien
qui va ramener du vernissage la toupie humaine qui chante « Albator »
en se prenant pour le chef des oies dans « Le Peuple migrateur ».
Le ch'ti godet, c'est une affaire d'hommes.
La réalité.
Déjà, après seulement une coupe de champagne, on trouve toutes ses
blagues drôles. Pis, de toute façon, on ne supporte que le champagne,
les mini-bouteilles avec la paille, là, la paille dorée. Hips. On est
dé-sin-hibée, pas malade! Faut nous encourager à faire le deuil de
la facette fille austère pour découvrir la facette « Popstars »
qui sommeille en nous.
LE DROIT
A LA GIFLE
Le mythe.
Une femme, ça ne se bat pas. Colombe trottinant sur ses mules compensées,
la femme prône la non-violence. Elle crie quand on l'embête, elle a
peur de Joey Starr, elle donne des petits coups dans son oreiller des
fois quand elle est fâchée.
La réalité.
Ah ouais ? Eh bien, soit les cours de tai-chi ont un peu dévié
self-défense, soit « Buffy contre les vampires » nous monte
à la tête mais le côté « faut pas trop me chercher non plus »,
ça peut détendre. Mais attention, tout ça reste stylé tranquillité zen,
maîtrise intense de soi et ça part (seulement dans les cas d'extrême
urgence, en cas de non dialogue possible...). Exemple: on est chez Miu
Miu, tranquille, une mimime inconnue et forcément ennemie rampe vers
le dernier jupon romantique en 38 en croyant qu'on n'a rien remarqué.
Donc amical coup de boule.
LE DROIT
D'AVOIR BESOIN D'UN HOMME
Le mythe.
La femme libérée, même si c'est pas si facile, n'a besoin de personne
en Harley-Davidson.
La réalité.
C'est pas vrai.
CAMILLE POUZOL – ELLE, 8 MARS 2002 -
© Elle Magazine 2002
|