Page précédentePage suivanteRetour à la page d'accueilPersonne m'écrit jamais...



Je voulais pas en parler ici, j'hésitais, mais voilà, je peux pas le garder plus longtemps : je suis pas le seul à avoir vu la dame de la Forêt.

C'était à Milan, il y a deux semaines, dans le salon de l'aéroport de Linate. J'ai voulu en savoir plus. Je n'ai pas tout compris. C'est une histoire qui semble assez mystérieuse, et de plus – comme souvent en Lombardie – l'étranger a tôt fait de se heurter aux tabous et aux non-dits.
Une vieille femme m'a parlé. Très brièvement, avant de partir en se signant... Il semblerait que la dame de la Forêt ait été aperçue aux abords de Milan, il y a quelques années. Elle portait son petit pagne, elle était effrayée, et ses seins étaient doux et chauds, comme la petite bedaine d'un nouveau-né. Un chauffeur de taxi l'aurait aperçue au détour d'un chemin, et après s'être dégagé de l'épave en feu et avoir purgé ses six mois de convalescence, aurait décidé d'en faire une statue (tous les Italiens sont peintres ou sculpteurs). Il serait ensuite devenu riche, puis fou, mais c'est une autre histoire.
Quoi qu'il en soit, c'est à l'endroit où siégeait cette statue que les autorités décidèrent, quelques années plus tard, d'établir l'Aéroport International de Milan-Linate. Les plans initiaux prévoyaient d'installer là les pistes d'envol, et de raser tout ce qui pourrait ralentir les avions dans leur élan (les Italiens ont les moyens de dépenser leurs statues sans compter).
Mais l'architecte en charge du projet, à ce qu'on dit, aurait été un lointain cousin du boucher de ce village, dans la Creuse, et c'est ainsi que sans plus d'explications (le remord et l'expiation, d'aucuns me diront), on démarra la construction de l'aéroport cinquante mètres plus au nord et que l'un de ses salons fût bâti autour de la représentation mystérieuse. Enfin, il paraît.

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