Page précédentePage suivanteRetour à la page d'accueilPersonne m'écrit jamais...

 

J'ai la crève, merde, j'ai mal à la gorge, ça craint.

Je me suis toujours rappelé ce jour – je devais avoir 8 ans – j'avais la crève, et je me regardais dans le grand miroir de l'armoire de mes parents. Je m'étais tellement mouché que mon nez me brûlait, je le sentais gros et rouge et plein de morve qui venait de Dieu sait où.

Je me regardais dans le miroir, et je me suis dit : "si demain je suis plus enrhumé, v'là comment je vais être content."

Puis j'ai réfléchi : "la semaine dernière, j'avais pas la crève, et je me rendais même pas compte de mon bonheur."

Ça s'est emballé dans ma tête : "si demain j'ai plus la crève, je jure que je savourerai mon bonheur !"
Et la conclusion est venue toute seule, limpide, et je me suis promis de ne jamais l'oublier : "on savoure pas notre bonheur, quand on a pas la crève."

J'ai tenu ma promesse, et je n'ai jamais oublié de savourer le bonheur de ne pas être enrhumé, particulièrement les jours où j'avais pas le moral. Bien sûr, maintenant je suis grand et je sais que cette même conclusion, d'autres l'ont eue pour moi : "pourvu qu'on ait la santé..."

Seulement, ces temps ci, non seulement j'ai pas la frite, je suis en plus gravement grippé.
Histoire de me finir, je me suis passé Forest Gump. Ça c'est de l'histoire d'amour, dans la même trempe que l'Écume Des Jours, aussi torturé. Bref. J'ai vu Jenny tremper ses mains dans la coke, grimper sur la rambarde de son balcon, puis pleurer après n'avoir pas osé sauter. Et là, je me suis dit : "j'ai de la chance, quand même. Bien sûr j'ai mal à la gorge, bien sûr j'ai pas la frite, mais au moins, j'ai décroché de la coke".
La vérité est que je n'ai jamais pris de coke de ma vie. Mais peu importe, j'en ai connu des gens accrocs, et ça m'a tout de suite donné le moral, de me mettre dans la peau de quelqu'un qui aurait enfin décroché et qui se remettrait à savourer la vie doucement, le soleil, le vent...